Depuis combien de temps errait-il sur cette fichue plage ? Il avait perdu de vue toutes les personnes qu'il avait rencontré dans ce début d'aventure, et son ventre était plein de groseilles, ses jambes engourdies, ses vêtements complètement hors d'usage. Il avait eu la flemme immense de laver ses vêtements et les laisser sécher, de trouver autre chose à manger que les fruits des bois, ou encore un autre endroit pour dormir que le sol, pas très confortable. Il s'était rapidement rendu compte que dormir dans le sable lui bloquait les muscles : dormir dans l'humidité n'était pas sa tasse de thé. Il avait donc troqué ses douleurs musculaires contre des douleurs dorsales, puisque dormir sur le sol, tout sauf meuble et accueillant, n'était pas non plus très agréable. Il se trainait, telle une loque humaine sur la plage, incapable de savoir s'il devait s'établir ici, commencer une vie, chercher des indices sur son passé, ou attendre l'arrivée d'éventuels secours sur la plage.
En effet, il avait monté tout pleins d'hypothèses quant à leur arrivée sur cette pxtain d'île. Il aurait adoré y penser un peu plus longtemps, lorsqu'une bestiole attira son attention.

Un scorpion. Il y avait un scorpion, là à ses pieds, et il ne pouvait rien faire, pas même esquisser le moindre mouvement. Si une personne extérieure penserait qu'il s'agissait de la trouille, il se tromperait. En effet, Gabriel n'était pas stoïque à cause de la frousse ou quel que soit le sentiment. Non, sa mémoire essayait juste de fonctionnement correctement, et cela ne fonctionnait pas. Le scorpion signifiait quelque chose dans sa vie antérieure, et il était bien incapable de se souvenir quoi exactement. Il se trouvait bien calmement sur les limites de la plage, aux abords du champs de fleurs lorsqu'il avait aperçu le reptile -si c'était bien un reptile- sur le sol, la queue farouchement dressée vers n'importe quel ennemi. Il rampait agilement, se cachant tantôt derrière des brins d'herbe, tantôt sous un tas de sable. Et Gabriel, lui, incapable d'esquisser le moindre mouvement, regardait l'animal, comme si sa vie en dépendait. Il y avait quelque chose en rapport avec son passé et ce fichu scorpion, mais quoi, il serait incapable de le dire... Il allait enfin se détourner de l'apparition mystérieuse pour continuer son chemin, la question le tarauderait toujours mais il fallait bien décamper, lorsqu'il vit un garçon s'approcher, pieds nus, chaussures en main. Il étouffa un hoquet de surprise, et le lien se fit en deux secondes dans son cerveau. Si le garçon avait le malheur de marcher sur le scorpion...

Gabriel enjamba la courte distance que le séparait du blondinet, voulu s'arrêter pour le pousser, lorsqu'il vit le scorpion s'agiter du coin de l'oeil. Pris par surprise, il heurta le garçon de plein fouet. Ils roulèrent quelques mètres plus loin, bien loin de la menace du scorpion. Gabriel, au dessus du blond, sentit le rouge lui monter au joue lorsqu'il réalisa qu'il était à califourchon sur lui, ses bras de part et d'autre de sa tête. Il éclata d'un rire franc, surpris de cette situation cocasse. « - Oh, beau blond ! Le Destin nous a réuni. » Au moins, s'il lui prenait de se fâcher sur Gabriel, il aurait au moins des remerciements à lui faire parvenir : il venait peut-être bien de lui sauver la vie !
Gabriel lança un petit regard furtif par dessus son épaule. Le scorpion avait bel et bien disparu, profitant de la panique générale pour se faufiler entre deux trois brins d'herbe et s'éclipser totalement.

William ouvrit un oeil. Puis un deuxième. Il ne voyait rien. Rien à part du sable. Un sable d'un beige très clair, tellement clair qu'il en est presque blanc. Will sourit. Cette vision était magnifique. Il avait la tête vide. Comme si on lui avait retiré son cerveau. Cette vision vint pendant quelques instants remplacer celle du sable sous ses yeux et lui donna un haut-le-coeur. William redressa la tête et se retourna sur le dos. Il vit du bleu. Le ciel. Un oiseau voletait là-haut. Il aurait voulu sourire mais un souvenir soudain l'en empêcha. Il se redressa brusquement. Ce n'était pas la première fois qu'il vivait cela. Il s'était déjà réveillé, comme ça, une fois la tête dans le sable. Il avait réussi à marcher et avait commencé à explorer l'île. Mais il n'avait rien trouvé et avait dû s'évanouir de fatigue...

William fixa son corps. Ses vêtements étaient tout déchirés. Il ne savait pas pourquoi d'ailleurs. Le blondinet se leva avec peine et commença à marcher d'un pas lent. De temps à autre il poussait de courts gémissements aigus accompagnés d'une petite grimace. Pour faciliter son avancée dans le sable, il décida de retirer ses chaussures qu'il prit par la main, puis ses chaussettes qu'il enfourna à l'intérieur de ses poches droites qui étaient, par bonheur, en bon état. Will soupira et recommença à marcher. Le soleil tapait. Le sable fin brûlait. Malgré tout, Will continuait sa lente marhe. Il savait qu'il ne pourrait peut-être pas repartir s'il s'arrêtait. Que si il restait trop longtemps au soleil, il pourrait être victime d'une insolation.

Tout à coup, Will aperçut au loin un homme. Un autre jeune homme. Il semblait avoir à peu près le même âge que lui. En s'approchant, il put le distinguer plus facilement. William leva la main mais ce garçon ne semblait pas l'avoir vu... Tout à coup, celui-ci tourna la tête. Il le regarda fixement quelques instants avant de la détourner et de reprendre son chemin. Will voulut lui hurler d'attendre mais rien ne sortit de sa gorge. Il se mit donc à courir aussi vite que ses jambes endolories le lui permettaient. Il avait mal, mais il avait presque atteint ce garçon... qui se retourna tout à coup à nouveau et lui fonça dessus. Ils se heurtèrent et tombèrent à la renverse. Ecrasé sous le poids de l'autre garçon, Will avait du mal à respirer.
- Oh, beau blond ! dit l'autre en riant, le Destin nous a réuni !
Puis il tourna la tête, comme pour vérifier que personne ne les espionnait.
Agacé, Will repoussa violement le garçon en criant :
-Nan mais censuré... Tu pourrais pas faire gaffe ? Ca fait mal !
Se rendant compte qu'il éxagérait peut-être un peu, Will se reprit, ne laissant pas le temps à "l'autre" de lui répondre :
-Mais en fait euh... Tu sais où on est ?

Le garçon, passablement énervé, me repoussa violemment. Il tomba fesse contre terre, à côté, et éclata de rire. Rire du désarroi et de l'énervement des autres n'était pas la meilleure façon de se faire des amis, si vous voulez mon avis... Mais les amis, Gabriel n'en avait pas grand chose à faire, pour être totalement sincère. Il pouvait tout aussi bien rester seul, puisqu'il prenait la mauvaise habitude de se parler tout seul, voire même de s'inventer des amis. Comme le charmant Peter White, homme aux oreilles de lapin... mais nous nous égarons.
Le garçon se mit à insulter copieusement notre jeune Gabriel, qui s'arrêta soudainement dans son rire. Il décida simplement de plaquer un sourire amusé sur son visage. « - Tu sais mon pote, le putain de scorpion qui allait te piquer t'aurait aussi fait mal... jpense que tu préfères être en vie mais courbaturé plutôt qu'entrain de crever la gueule ouverte sur le sable, jme trompe ? » L'ange brun lui servit son plus grand sourire, pour lui montrer qu'il ne lui en voulait pas du tout. « - Mais passons. Je suis désolé de t'avoir fait mal, ce n'était nullement mon attention. En réalité, j'essayais de te sauver. Mais c'est une autre histoire ! » Gabriel éluda copieusement la question pourtant pertinente du jeune homme, se leva, épousseta tranquillement sa guenille qui lui servait de pantalon et tandis une main à l'autre garçon, toujours à terre.

Gabriel n'était pas du genre rancunier. En réalité, depuis qu'il l'avait perdue, il trouvait la mémoire bien défaillante et inutile. Alors, pourquoi passer son temps à se chamailler avec quelqu'un alors que tout le monde pouvait être copains comme cochons et que le monde pouvait être fait de bisounours ?
Bon, évidemment, si l'homologue de Gabriel avait essayé de le poignarder, de l'évider et de le pendre à un cocotier, bien entendu que là, il aurait fait une exception. Mais pour le moment, personne n'avait essayé de l'assassiner ou quoi que ce soit d'autre, donc il se sentait serein et confiant. « - Je ne sais ni où nous sommes, ni qui nous sommes, et sache que ça me chagrine rien qu'un peu. Enfin si, je sais que je suis Gabriel. D'ailleurs, enchanté de faire ta connaissance ! De part ta question, je suppose que tu ne sais pas non plus où nous nous trouvons, et je trouve cela fort regrettable... Nous nous sommes tous réveillés sur une fichue plage, sans souvenir, et sans rien d'autre que du tissu sur le dos. » Gabriel hésitait à continuer son monologue. Peut-être qu'après tout, le garçon en savait plus qu'il ne le laissait transparaître ? Intimement, Gabriel rêvait d'aventure depuis toujours -enfin, depuis trois jours quoi-, et cette opportunité était peut-être tout à fait fortuite, mais aussi extrêmement alléchante. Gabriel n'aimait pas non plus rester seul trop longtemps, un compagnon de voyage serait parfait. Et le jeune homme en face de lui semblait aussi débordant de curiosité, de vivacité et de questions. Peut-être qu'il n'accepterait pas tout de suite de partir en 'voyage' entre mecs, néanmoins Gabriel avait bien envie de tenter de lui poser la question. Enfin, pas tout de suite, bien entendu. Il voulait en apprendre un peu plus sur le blondinet susceptible et peut-être un peu trop douillet pour devenir un bon compagnon.. Oh, et s'il était le héros de l'histoire ? Imparfait, mais courageux, déterminé et entouré de bons amis. Et les bons amis seraient évidemment moi, le meilleur pote qui risque de mourir maintes et maintes fois, et toujours sauvé par le héros, ainsi qu'une jeune donzelle magnifique qui essayerait de séduire le héros, la princesse à délivrer, le but de leur quête, et deux trois autres personnages qui arriveraient au fil de leurs rencontres et de leurs péripéties...
Oui, cette idée était décidément très plaisante. Et puis, le garçon sans nom n'avait pas réellement besoin de savoir que c'était lui, le héros. Non, il n'avait même pas besoin de le savoir du tout... « S'il attrape ma main, il deviendra le héros de mon histoire... songea Gabriel, avec espoir. »

Cela vous est-il déjà arrivé, lorsque vous discuter avec une connaissance ou qui que ce soit, et que cette personne tombe soudainement dans les pommes ? Non ? Bah Gabriel eut, l'espace d'un instant, une petite trouille naissante dans le fond de l'estomac qu'il niera en bloc bien plus tard. Après tout, si William et lui n'étaient pas forcément partis sur un bon pied, ils n'étaient pas non plus ennemis, et le garçon semblait fort et intelligent, courageux. Gabriel savait qu'il pourrait compter sur lui pour... Pour ce qui allait arriver.
Gabriel laissa le garçon reposer dans le sable et s'assit près de lui, attendant patiemment son réveil. Il n'avait aucune connaissance médicale, il préférait donc laisser les choses passer, attendre et voir. Pourtant, malgré ses maigres capacités, il se doutait bien qu'avoir le ventre vide n'aidait pas à se remettre d'un choc d'une telle envergure. Durant l'inconscience de son coéquipier -qui ne dura que quelques instants tout au plus-, il attrapa une poignée de mûres et revint s'asseoir près du convalescent, qui lui raconta le pourquoi du comment. Alors ainsi, William avait entrevu quelque chose qui n'appartenait pas à ce moment, ni à cet endroit. Intéressant. Ce n'était pas encore arrivé à Gabriel, et celui-ci, malgré la douleur apparente que provoquait ces images, voulait à tout prix essayer. Peut-être était-ce en rapport avec eux ? « - Peut-être que c'est un souvenir... » Le blondinet, assis sur le sol, posa sa tête dans ses mains et laissa ses orteils jouer dans le sable chaud. « - Avec un tel choc, je serais d'avis que tu manges au moins un petit quelque chose. Je t'ai ramené des baies. Attention cependant, il y en a des empoisonnées plus loin sur le territoire, donc si un jour tu souhaites en goûter quelques-unes, fais attention... » Il lui tendit les victuailles et les laissa glisser lentement le long de sa paume. Un jus rouge coula le long de sa main, et étrangement, Gabriel eut l'impression de voir son propre sang goutter le long de ses doigts. « - Cette île est habitée, ce n'est pas possible autrement. Elle ne fait pas... sauvage ! Comme si elle avait été... amménagée... tu ne trouves pas ? C'est vrai quoi, t'as croisé une bête sauvage pour le moment ? » Bien entendu que sur une plage, ça serait bizarre, mais tout de même ! Une biche curieuse, un renard inquiet, pourquoi pas un sanglier, pendant qu'on y était ? Si de nombreux oiseaux étaient présents sur l'île -on les entendait piailler à longueur de journée !- c'étaient les seuls animaux, avec le scorpion, qu'il avait croisé pour le moment. « - Je me demande même s'il y a des poissons... » Gabriel essayait de faire le tour des choses que l'on pouvait faire sur cette pxtain d'île pour essayer de s'évoquer quelque chose, et ressentir enfin cette petite parcelle d'inconnu, ce petit échappatoire. « - Tu as encore mal à la tête ? Gabriel restait quelqu'un de bienveillant... de temps à autres. Il voulait surtout savoir si cela se produisait un jour, si le mal de crâne resterait longtemps ou non.

Si Gabriel s'intéressait particulièrement au cas du garçon, il se demanda si cela allait se répandre. Et si ses souvenirs revenaient ? Et s'il se rappelait de qui il était ? « - Je ne sais pas comment nous sommes arrivés ici, mais tu savais que si on avait un trop gros choc crânien, on pouvait perdre nos souvenirs ? Peut-être que nous étions dans un bateau, et que la mer nous a rejetés sur cette plage. Ainsi, nos souvenirs se débloqueront avec le temps... Mais ce que je ne comprends pas dans cette théorie, c'est pourquoi les secours ne sont-ils pas encore arrivés ?

Gabriel, William & Asher

Voilà plusieurs jours déjà qu'Asher s'était réveillé sur cette île. On ne put pas dire que le réveil fut des plus doux et délicats... Des courbatures partout et un violent mal de tête l'avait pris. En frottant ses yeux douloureux eux-aussi, il était parvenu à les ouvrir, clignant de nombreuses fois des paupières pour s'habituer à la lumière du soleil. Fixant alors l'horizon, il s'était sentit comme vidé, vidé de toutes ses émotions et de tout ce qui faisait de lui un être humain.

Déconnecté de la réalité, il s'était mis sur ses jambes flageolantes, découvrant quelque chose de gravé sur tout son mollet droit. Il frotta d'abord dessus, mais en remarquant l'état de ses mains, puis de ses bras, il comprit rapidement qu'il ne pourrait jamais faire partir ces écritures. Des tatouages... Mais... Qui lui avait ça ? Pourquoi en était-il recouvert ? En avait-il d'autres ailleurs sur son corps ? Oui. En relevant son T-shirt, il remarqua que son torse portait aussi ces marques étranges. Que diable cela signifiait-il ? Il n'en savait fichtrement rien...

Alors il avait couru le plus vite que ses jambes le lui permettait sur la plage, zigzaguant entre des corps, morts ou vivants il l'ignorait, pour se réfugier plus loin, dans un espèce de bois. Avait-il échoué sur cette île ? Que se passait-il au juste ? Et surtout... pourquoi ne se rappelait-il plus de rien ? Même en se forçant, il ne parvint à rien !

Si Asher avait paniqué ? Évidemment. Il avait tenté de frotter encore sa peau, de la tirer, pour effacer ces marques indélébiles qui le recouvrait. Il avait essayé de retourner vers la plage pour s'abandonner à la contemplation de l'eau qui s'étendait à perte de vue. Il avait pris sa tête entre ses mains pour se masser les tempes et peut-être ainsi faire remonter des souvenirs à la surface, mais... tout ceci en vain. Il n'y avait plus rien, il connaissait à peine son nom, son âge et sa nationalité ; le reste n'existait plus dans son esprit.

Et tandis que les heures s'étaient écoulées et que des milliers de questions avaient eu largement le temps de naître en lui, il était demeuré dans la forêt, assis au beau milieu de nulle part. Était-il le seul à ne plus se souvenir de ce qui s'était passé ? Pourquoi y avait-il tous ces gens sur cette même plage ? Était-il venu en vacances ? Qu'était-ce que tout son corps barbouillé d'encre noire ? Pour quelles raisons avait-il fait ça ? Était-ce d'ailleurs lui ? Qui était-il ?...

Puis finalement, l'américano-japonais s'était résigné à trouver une explication à tout cela. Il espérait secrètement que durant son séjour à durée indéfinie sur ce sol l'aiderait à recouvrer ses esprits. Même s'il gardait, bien cachées dans son âme, ses nombreuses et incessantes interrogations.

Pas spécialement doué pour survivre, ni très bricoleur, il s'était débrouillé pour se confectionner une sorte d'abri en bois. Des branches, des brindilles, des feuilles de cocotiers ou de palmiers et, en guise de ficelle, il déchira un bout de son T-shirt sali. Ça ne vaudrait jamais un hôtel quatre étoiles, ni même un simple HLM, mais il ne trouvait cela pas trop mal.

Il sortait de temps à autre de l'entrée de la forêt, s'aventurant un peu partout, à la fois curieux et inquiet des évènements qui se déroulaient ici. Plusieurs fois il croisa des personnes avec lesquelles il échangea quelques brefs mots. Apparemment, elles aussi ignoraient tout de la situation...

Ce jour-ci, Asher s'était mis en tête de pêcher. Se nourrir de fruits ou de jeunes pousses égarées ne remplissaient pas son ventre. Il avait envie d'un beau poisson et il s'imaginait déjà le faisant griller sur la plage. Cette idée lui donnait l'eau à la bouche !

Son T-shirt sur l'épaule et munit d'un long bout de bois taillé en pointe, il se dit qu'il ne lui suffirait que d'attendre patiemment une bête et l'empaler directement. Cela avait l'air plutôt simple, mais la tâche s'avérait certainement bien plus compliqué que ça...

Ses pas le conduisirent rapidement près de l'océan. Il retira ses chaussures et avança prudemment dans l'eau, observant attentivement toute la vie autour de lui. Pas de poisson en vue dans l'immédiat, juste de petits crabes qui ne l'intéressaient pas. Patience... Ennuie... Chaleur... Rien. Bon sang !

Un moment s'écoula puis le brun décida de bouger. Il revint sur le sable, ramassa ses chaussures et fit de nouvelles enjambées. Avec un peu de chance, les poissons se trouvaient certainement en masse un peu plus loin... Du moins, l'espérait-il.

Quelques minutes plus tard, le pêcheur aperçut deux silhouettes un peu plus haut sur le sable. De la vie humaine, songea-t-il en soupirant doucement, ça faisait longtemps... Abandonnant un instant sa pêche, il fit un signe de la main aux deux personnes qui s'avérèrent être deux jeunes hommes. Peut-être avaient-il vingt ans, tout au plus.

« Salut, les accosta-t-il en souriant, je vous dérange pas ? s'enquit-il finalement, ça vous dit un peu de pêche pour passer le temps ? »

Un coup de main et un peu de compagnie ne lui déplairait pas... A rester tout seul comme ça... Il finirait par complètement perdre la tête et cela l'effrayait. Il préférait autant demeurer tel qu'il était là, plutôt que de se perdre encore davantage.

« Au fait, moi c'est Asher... Je crois. », haussa-t-il les épaules en prononçant ces deux derniers mots pour signaler qu'au fond, peu importait son identité sur cette île.

Gabriel avait ce trait de caractère bien ennuyant, ce que l’on appelait plus communément folie. Était-ce pour cela que M., le dirigeant, l’avait choisi ? Parce qu’il avait cette particularité de changer d’idée en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, voire d’avis. Il ne devait surtout pas attirer William sur la bonne piste –le fait qu’ils existent. Plongé dans son rôle, Gabriel avait bien oublié qu’il n’était rien d’autre qu’un sbire et certainement pas un naufragé. Il voulut rattraper son erreur tandis que Will continuait à grignoter les baies. Pas comme si Gabriel en avait vraiment besoin, néanmoins il aimait bien cette vie ‘sauvage’, vivre ce que les autres vivaient sans en avoir l’inconvénient. Néanmoins, il se devrait de garder les mêmes vêtements pendant toute la durée de l’expérience, pour ne pas alerter les soupcons de ses compagnons.

Un nouveau venu les aborda gaiment, leur proposant une partie de pêche. « - Je ne vous dérange pas ? Je m’appelle Asher… je crois. » William se présenta à son tour, et pendant ce temps, si Gabriel n’était en aucun cas homosexuel -…- , il put admirer discrètement les jolis abdominaux de l’américano-japonais. De nombreux tatouages parsemaient les muscles, si peu rebondis, au moins présents du jeune homme. Il semblait avoir quelques années de plus qu’eux et aussi une bonne expérience. Après tout, qui savait pêcher de nos jours ? Rares étaient les connaisseurs. « - Moi c’est Gabriel. Comment ca se fait que tu saches pêcher ? Ah, suis-je bête. Tu ne t’en souviens pas. » Un petit sourire moqueur –qui pouvait passer pour compatissant- éclaira son visage. Un petit gargouillement méchant activa son ventre.
Folie, douce folie, emplit ses sens et active ses envies… Gabriel n’était en aucun cas bipolaire, malheureusement quelques mauvais penchants pouvaient lentement faire apparition dans son comportement. Pas immédiatement, bien entendu, mais il évitait de s’approcher de tout ce beau monde lorsqu’il sentait les premiers maux le parcourir. « - Comment comptes-tu t’y prendre ? Eau de mer ou eau douce ? » Après tout, Gabriel était quelqu’un d’actif, et si un tantinet flemmard, il ne rechignait jamais à l’effort. Il lanca un regard sur la plage, cherchant au loin l’espoir d’une terre. S’il connaissait une bonne partie de tout ce cinéma, ce jeu, il restait tout de même dans l’ignorance, malheureux pion d’un échiquier qu’il ne comprenait pas… et ne souhaitait pas comprendre. Il laissa ces problèmes plus loin : au fond, cela lui importait peu… si peu…

Folie.
Il frappa l’épaule de William et éclata d’un rire franc, cristallin. « - Allez mon vieux, on mange du poisson ce soir ! »

[Très court mais je voulais répondre <3]

Ash rendit son sourire au jeune homme du prénom de William, ou disons simplement, Will. Peut-être que le plus vieux se trompait, mais il avait déjà une petite idée de qui se cachait derrière ce prénom ; cette tête blonde semblait être assez vive, curieuse et ses yeux brillaient d'une lueur qu'il ne parvint pas à déchiffrer. Imaginait-il que l'américano-japonais pourrait l'aider à se sortir de cet enfer paradisiaque ? Ou bien était-ce quelque chose comme une lueur d'espoir, d'espérance.

Quant au second garçon, celui-ci répondait au prénom de Gabriel. Au ton employé dans sa voix, même si Ash répondit à son sourire par un sourire également, il doutait de son entente avec lui. Il n'arrivait pas à clairement savoir qui il était, mais une chose était certaine, il ne ressemblait en rien à William. D'ailleurs, se connaissaient-ils déjà tous les deux avant d'être tombés ici ?...

Il devait bien y avoir eu un « avant », n'est-ce pas ? Ils n'avaient pas pu tous vivre ici, sur cette île, depuis tout de ce temps ! Le passé... C'était ça qu'Ash voulait absolument rechercher. Son propre passé, savoir qui il était, pourquoi il se trouvait ici. Avait-il fait des choses grandioses ? Ou bien habitait-il toujours chez ses parents ? Avait-il une femme, des enfants ? Tout cela il n'en avait pas la moindre idée...

Ce fut uniquement à la nouvelle question du brun que l'asiatique revint sur terre, secouant légèrement le visage pour faire partir ses pensées du moment. Il voulait pêcher et manger dans l'immédiat, le reste attendrait et ce n'était pas le temps qui lui manquerait pour s'y pencher.

« J'ai taillé ça, répondit-il en désignant son bâton au bout pointu dans sa main, je comptais empaler un poisson... Ca risque d'être un peu compliqué, hein ? se rendit-il finalement compte, mais à nous trois, y doit pas y avoir de raison qu'on en ait pas un ! »

Comme la faim commençait à se faire de plus en plus ressentir dans tout son organisme, l'américano-japonais n'attendit pas une seconde supplémentaire pour retourner près de l'eau. Il déposa son T-shirt et ses chaussures au bord de la plage avant de s'aventurer de nouveau les pieds dans l'eau, les yeux à la recherche d'un bon gros poisson.

Ash songea à ce que lui avait dit Gabriel quelques minutes plus tôt ; comment savait-il pêcher ? Il avait tellement eu raison en rajoutant qu'il ne devait pas s'en souvenir... Quelque chose dans l'esprit du japonais semblait l'appeler et lui dire que ça, il savait le faire, que ça... il l'avait déjà fait. C'était assez troublant, mais au fond, pourquoi vouloir des explications ? Il savait comment s'y prendre, plus ou moins, et c'était sûrement une très bonne chose.

Instinctivement, Ash reprit la parole, demandant à ses compagnons de pêche de se placer l'un à sa droite, et le second à sa gauche.

« Si vous voyez quelque chose, vous criez pas, vous faites un signe de la main et je vous envoie le bâton. »

Est-ce que cette « technique » allait fonctionner ? Il n'en avait réellement pas la moindre idée et il n'avait pas eu l'impression que ce soit lui qui venait de donner ses directives. Le soleil devait certainement cogner trop fort sur sa tête ce jour-là et c'était pour cela qu'il commençait (déjà) à divaguer.

Tandis que les minutes s'égrenaient, Ash continuait de scruter attentivement l'eau, prêt à agir et à sauter sur le premier poisson qu'il verrait... mais aucun d'entre eux ne semblaient venir aussi proche de la rive.

« On devrait peut-être avancer plus loin, signala-t-il à Gabriel et William, regardez, on dirait que ça bouge par là-bas ! »